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Les finissants continuent de bouder la médecine de famille

La présidente de la FMRQ, la Dre Jessica Ruel-Laliberté

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Le verdict est tombé: 65 résidences en médecine familiale n’ont pas trouvé preneur à l’issue du deuxième tour du CaRMS, l’organisme pancanadien chargé du jumelage des futurs médecins résidents.

Par Geoffrey Dirat, Profession santé

Les années se suivent et se ressemblent. Un total de 511 postes de résidences en médecine de famille étaient à pourvoir ce printemps au Québec, 65 sont finalement restés vacants après le second tour de jumelage organisé par le CaRMS, dont les résultats ont été dévoilés jeudi dernier. Aussi, 430 résidences en médecine de spécialité étaient offertes dans la province et seules trois, en médecine interne, n’ont pas été comblées.

«C’est catastrophique», a commenté vertement le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le Dr Marc-André Amyot, en marge du colloque Première ligne en santé organisé vendredi à Montréal. «C’est surtout deux fois plus que partout ailleurs au Canada confondu [NDLR, 34 au total, dont 11 en Alberta et 8 au Nouveau-Brunswick], ça n’a pas d’allure», a-t-il ajouté en soulignant le sérieux enjeu d’attractivité de la profession, qui ne date pas d’hier.

Ces dix dernières années, 467 postes de résidence en médecine familiale n’ont pas été pourvus au Québec, selon la FMOQ qui estime qu’il manque aujourd’hui environ 1400 omnipraticiens sur la première ligne.

Si elle ne nie pas qu’il y a un problème de valorisation, «tout n’est pas blanc et tout n’est pas noir», observe la présidente de la Fédération des médecins résidents du Québec. «Quand on compare les chiffres d’il y a 20 ans, il n’y a jamais eu autant de résidents en médecine familiale», souligne la Dre Jessica Ruel-Laliberté qui juge cependant «dommage» que les étudiants ne choisissent pas davantage cette voie-là. Elle explique leur désintérêt en pointant le «doctor bashing» des différents gouvernements, et de la classe politique au complet, qui finit par percoler dans la population.

«Il y a un lien avec les messages véhiculés, c’est évident», affirme la résidente en obstétrique et gynécologie à l’Université de Sherbrooke. «Quand on dit que les omnipraticiens ne travaillent pas assez et qu’on fait reposer sur leurs épaules les difficultés d’accès à la première ligne, ça n’encourage pas les étudiants qui se demandent à quoi va ressembler leur pratique dans ces conditions.»

À ce climat politique défavorable s’ajoute, selon le Dr Amyot, la lourdeur du travail, les obligations de prise en charge ou encore la paperasse qui «découragent les étudiants». Sans oublier les contraintes d’exercice que constituent les plans régionaux d’effectifs médicaux (PREM) qui déterminent le lieu de travail des omnipraticiens, et les activités médicales particulières (AMP) imposées aux médecins ayant moins de 15 ans d’exercice.

Pas de solutions miracles

Des contraintes et des enjeux, «on en retrouve en médecine de spécialité aussi», indique la présidente de la FMRQ qui évoque par exemple l’accès aux plateaux techniques. Elle préfère mettre de l’avant les vicissitudes entourant la pratique en médecine familiale. «Quand on est étudiant, on se pose beaucoup de questions, car on n’a pas une idée claire précise de ce à quoi va ressembler notre pratique réelle. Or en médecine de famille, elle peut varier beaucoup selon le gouvernement au pouvoir. Cette absence de stabilité, ça crée de l’incertitude et de la confusion chez les étudiants.»

À ces enjeux multiples, «il n’y pas une ou deux solutions miracles. Ce serait trop simpliste», considère le président de la FMOQ en mentionnant qu’un comité de valorisation de la profession a été formé par la Fédération – réunissant des omnipraticiens, des patients, des représentants du ministère de la Santé, etc. – et qu’il doit rendre ses conclusions d’ici la fin de cette année.

En attendant, le Dr Amyot mentionne quelques pistes de solutions, comme l’amélioration du bien-être de ses pairs au quotidien, la réduction de l’écart salarial avec leurs confrères et consoeurs spécialistes – «on a encore un différentiel de 20%», souligne-t-il – ou encore le fait que les modèles de rôle des étudiants sont essentiellement des spécialistes.

Dans le détail, les 65 résidences en médecine de famille restées vacantes cette année se trouvent principalement hors des grands centres urbains québécois. Les trois universités francophones ont des chiffres comparables: 19 vacances à l’Université Laval, 21 à l’Université de Montréal et 28 pour celle de Sherbrooke, dont 8 sont situées au Nouveau-Brunswick. L’Université McGill comptabilise quant à elle cinq postes non pourvus. À brûle-pourpoint, la Dre Ruel-Laliberté explique que «traditionnellement, les anglophones ne postulent pas dans les universités francophones, alors que McGill peut accueillir des étudiants d’autres provinces».


Cette année, 4288 finissants et médecins étaient candidats à une résidence via le jumelage du CaRMS, qui proposait 3410 postes dans les différentes facultés de médecine du pays;  96,6% d’entre eux ont été pourvus. Parmi les 115 résidences restées vacantes toutes spécialités confondues, 99 concernaient la médecine de famille.